Animus vs Anima - Le conflit psychique

Le conflit Masculin/Féminin remonte aux origines et demeure encore de nos jours. Cette lutte pour la domination de l’autre devient d’autant plus fascinante lorsqu’on la place sur le terrain Psychique et qu’Homme et Femme deviennent Animus et Anima. Selon Carl Gustav Jung, l’inconscient revêt toujours les caractères du sexe opposé, ainsi l’Animus est la figure masculine de la psyché féminine tandis que l’anima est la figure féminine de la psyché masculine. Ce duel Animus/Anima s’inscrit dans le processus d’individuation du sujet et l’oriente dans son accomplissement personnel. Ces Archétypes sont primitifs et universels. A eux deux, ils renferment le secret d’une rivalité bien ancienne, surement le tout premier antagonisme qui soit, à savoir moi et l’autre, l’homme et la femme, le positif et le négatif, etc… S’en suit toute une série d’antagonismes dérivés de ce principe premier, ce qui amène à penser que le conflit Masculin/Féminin est à l’origine même de notre système de pensée.

Pourrait-on dire qu’au final que tout est conflit masculin/féminin ? Moins comme le conflit de caractères d’Otto Weninger que comme un principe de symétrie complémentaire : un concept et son contraire qui ne lui est pas si étranger que ça. Tel le vrai et le faux : Lorsque je prends conscience du vrai ne suis-je pas immédiatement conscient du faux ? L’Histoire de la représentation du monde est basée sur cet antagonisme. Au-delà du Masculin/Féminin c’est un rapport intérieur/extérieur qui oppose l’Esprit à la Nature comme il oppose la raison à la passion. L’histoire des Arts ne se résume en rien au rapport classique / Baroque. Cependant, de ces deux courants majeurs découlent deux systèmes de représentation du monde qui n’ont cessé de s’opposer et qui font débat encore aujourd’hui. Ainsi il y aurait l’œil classique débordant de lumière qui perce la surface du réel et l’organise rigoureusement, et il y aurait l’œil baroque des lacunes. Adepte du clair-obscur il ne nie pas sa part d’ombre, il assume l’ambivalence et se tourmente quant à ce qui se cache sous les voiles et les poudres. L’un est raisonnable, produit de la pensée pure et rationnelle. L’autre, passionnel et capricieux, aime le vertige. L’un serait une ligne, l’autre une arabesque. L’un serait masculin, l’autre serait féminin.

Il ne s’agit pas de résumer homme et femme à des caractères opposés mais de parvenir à discerner les choses par le prisme Animus/Anima qui distinctement sont la raison et l’affect. Il ne s’agit pas non plus de remarquer cette opposition mais de comprendre en quoi l’un n’est pas envisageable sans l’autre et c’est précisément ce que nous raconte le Baiser de Klimt, l’histoire d’une fusion du masculin et du féminin, de l’Animus et de l’Anima. Sous la couverture cosmique c’est la rencontre de deux psychés, de deux impulsions de l’Art et de l’être, de deux visions du monde qui manifestement sont faites pour s’aimer, se détester, s’entendre, s’étreindre et se rejoindre à l’infini dans le cycle Vie/Mort/Vie. L’un ne vit pas sans l’autre : L’Affect a besoin d’objectivité et de sagesse pour affronter la réalité. Quant à la raison elle a sa part d’intuition et d’humeur, la face cachée de l’iceberg.

Penser par antagonisme c’est aussi comprendre que l’un n’existe pas sans l’autre et qu’ils font partie de l’ordre et de l’équilibre des choses. On en revient au chaos d’Aby Warburg, un monde où toute chose s’affronte au reste Si l’ornement est féminin ce n’est pas que pour ses courbes. Par nature il est exotique, il est autre. Il est cette beauté libre si sensible qu’elle échappe à la raison. Christine Buci-Glucksmann parle d’une catégorie de refoulés qui n’ont cessé de faire retour et qui aux côtés de l’ornement comprend le Féminin, le Primitif et l’Orient. La sécession Viennoise voit naitre les serpents d’eau de Klimt, ceux qui se glissent dans les nappes cosmiques et se pressent ventre contre ventre. Leurs mèches d’or irradient les profondeurs, elles s’enveloppent et se développent dans un même mouvement, ondulent, s’embrassent et laissent s’élever la plainte qui fait surface. Dans l’opacité des volutes se trouve l’essence de l’ornement. Il y a là l’Anima, le féminin dans sa dimension primitive et érotique. Sur l’arabesque le regard glisse. Dans la boucle des spirales et des courbes flotte un espace-temps intensif rythmé par le flux dynamique des lignes.

Mais si en même temps l’ornement est masculin c’est pour sa capacité à s’abstraire du réel et devenir manifestation de soi, manifestation d’une pensée qui rationnalise le monde et range ses formes dans un vocabulaire puis les utilise avec une grammaire, une rhétorique, des figures de styles entre alternance, symétrie et répétition du motif. C’est faire de l’ornement un langage.