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Malaise dans les Musées, Jean Clair

  • Porteur(s) du projet : Claire Eyraud
  • Date : Janvier 2017
  • Contexte : Mémoire : Analyse de l'art contemporain selon Jean Clair

Malaise dans les Musées - Jean Clair

Biographie de l'auteur

Jean Clair est né le 20 octobre 1940 en France à Paris. Il a grandit dans une famille Chrétienne très pratiquante, ce qui influencera énormément ces écrits. C’est un grand conservateur du patrimoine, il est également écrivain, essayiste et historien de l’art français. Il est également l’ancien directeur du musée Picasso qu’il dirigera jusqu’en 2005.

Malaise dans les musées, et L'hiver de la culture, sont deux de ses ouvrages dénonçant la tournure provoquée par l'art contemporain qui rompt avec la tradition artistique européenne. Le deuxième ouvrage fait échos à Malaise dans les musées et enfonce d’avantage la notion de culture contemporaine. Dans l'essai, on peut voir son obsession envers la déchéance du culte de la culture puis du culturel, qui reste uniquement dédié au loisir et à l’économie. Il remet presque en question l'essence des musées, qui décrits comme des “abattoirs culturels” et “entrepôts de civilisations mortes” soumis à l'invasion des touristes pour dit-il“ un bénéfice intellectuel et spirituel à peu près nul”.

Extrait du livre

Chapitre I La Simonie, sous chapitre Le musée ouvert à tous p.37/38 Livre, édition Café Voltaire/Flammarion

“ Ainsi, l'abandon de la foi dans les images, la fin de la croyance en leur pouvoir, l'ignorance où l'on se trouve désormais de leurs finalités ont entraîné à leur tour la mutation des lieux qui leur étaient consacrés, le musée public. À quoi sert un musée aujourd'hui ? Moins on comprend les images, plus on se rue pour les dévisager. Le plaisir de visiter un musée a fini par succomber à la fatigue de son exercice : la queue, interminable, puis la cohue, les bousculades, le tumulte. Au lieu du paradis, un bruit d'enfer, l'assourdissement d'une salle des pas perdus ou de la verrière d'une piscine -, avec cet autre tourment de l'Enfer, la proximité des “autres” : la promiscuité, la chaleur du coude-à-coude, l'impossibilité de demeurer immobile devant une œuvre sans voir se glisser dans son champ, incongrus, la nuque ou le bras d'un badaud, sans être distrait par les niaiseries échangées à propos d'un fessier de marbre opulent, sans être aveuglé par des éclairs de flash, et finalement sans être bousculé, poussé, entraîné malgré soi dans un flux tantôt agité et tantôt languissant. Et puis la crainte pour moi, ancien conservateur, de voir des peintures, des sculptures, touchées, grattées, abimées, car les gardiens se sont faits discrets : ” Nous avons peur maintenant, me disait l'un d'eux, de ces touristes qui voyagent en groupe et qui réagissent en meute…“ Sans parler de la saleté laissée par la foule, les moutons voltigeant sur les socles, le mobilier agressif, sans espoir d'un repos, d'un designer en vogue. Enfin, au bout du périple, la déception devant les salles fermées, les anciens petits cabinets surtout, la peinture allemande de la Renaissance, faute de personnel. Pour ne rien dire des conditions d'exposition des tableaux. Il y a une trentaines d'années - pour quelles raisons ? - , on s'est avisé de mettre les musées en pénitence et les peintures à l'ombre. La plupart possédaient de magnifiques verrières zénithales, comme il se doit, dispensant une lumière égale et froide qui reconstituait les conditions d'éclairage de l'atelier où les œuvres avaient été peintes, alléguant de fallacieux périls que le jour naturel ferait courir aux œuvres. La lumière artificielle a donc régné partout, jaunisse, pisseuse, ruinant l'assiette des couleurs.”

Analyse de l'extrait

Jean Clair prévoit pour la culture un « grand froid » qu’il démontre au travers d'une crise de civilisation. Ayant grandit dans une famille particulièrement religieuse, il dénonce une perte conséquente du sacré, du religieux. Il se demande à travers ces manques, si les oeuvres font toujours sens pour ceux qui viennent les voir et les admirer.Il constate un changement lorsque les oeuvres ont été enlevés aux églises pour retourner à la population dans des musées publics. La décontextualisation des oeuvres l’amène à une incompréhension du lieu dans laquelle elles se trouvent.

Il constate par la suite que le public ne s’attache plus de la même façon aux oeuvres. Il dénonce même un musée de flux excessif où l’on circule mal, et où l’on ne peut pas s’attarder sur les images, tant la cohue de la foule s’empresse d’aller de tableaux en tableaux. L’excitation et la nonchalance du public, le fait s’interroger sur leur intention première, jusqu'à même le faire douter de l’existence d’une réelle curiosité.

Jean Clair compare l’abondance touristique à l’Enfer. Il relève un public inattentif, qui ne réfléchit plus silencieusement « distrait par les niaiseries échangées à propos d’un fessier de marbres opulent ». Il se souci de l’intérêt et du sérieux que l’on accorde à l’art, à la culture et aux artistes au sein des musées. Une terrible anxiété tourne autour de lui sur la bonne conservation des oeuvres et du musée, où il cite l’exemple de la propreté et du vandalisme.

Il compare effectivement avec un passé où l’on avait le temps de s’intéresser à la technique de l’artiste, et où on pouvait se questionner plus amplement sur ses intentions. L’atmosphère silencieuse et solennelle régnait à l’intérieur des murs. L’institution souhaitant protéger et structurer les oeuvres au sein des musées, ont fait perdre le cadre naturel dans lequel elles avaient été produites. Il fini cet extrait par citer l’impact des lumières artificiel qui dénature et faussent les oeuvres et leurs contextes.

wiki/textes/ouverture-du-musee/ouverture-du-musee.txt · Dernière modification: 2017/02/01 09:38 (modification externe)