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LECTURE

Anaëlle Couëllan
31/01/2017
Enrichissement mémoire

Gilbert Simondon


Gilbert Simondon (1924-1989) était normalien et agrégé de philosophie. Il fut professeur de philosophie au lycée de Tours, puis de psychologie à la faculté de Poitiers, à la Sorbonne et, enfin, à Paris-Descartes. Il est notamment l’auteur de deux thèses célèbres, soutenues en 1958 : Du mode d’existence des objets techniques et L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information.

Extrait


Imagination et invention, Gilbert Simondon (1965-1966), Éditions puf, page 42.


« L'évocation précédente des conditions organiques de l'anticipation de la perception et de l'action montre que, pour l'ensemble de la conduite, les lignes de l'avenir postulé ont autant d'importance que les données du présent ou le retentissement de l'expérience sous forme de souvenir. Ce même caractère d'une logique projective de l'anticipation apparaît dans la dynamique des états d'attente et d'anticipation du sujet, à un niveau qu'on peut nommer psychique. Le terme « psychique », pour caractériser un niveau, est délicat à employer; peut-être vaudrait-il mieux dire « secondaire » par opposition à primaire. Pour éviter des confusions, on peut admettre que le niveau psychique correspond à un fonctionnement de l'organisme qui n'engage pas cet organisme tout entier dans la situation, mais qui fait appel surtout au système nerveux et aux organes des sens; comme tel, le niveau psychique de l'activité se réfère à un milieu déjà exploré et organisé selon le mode biologique, c'est-à-dire à un territoire; les catégories et les activités psychiques ne s'opposent pas à l'ensemble des activités primaires : elles viennent après, et supposent que le milieu soit déjà inventorié et classé selon les catégories primaires (défense, attaque, proie, prédateur…) pour pouvoir s'exercer. Devant une situation inconnue, le sujet est ramené d'abord à une activité de niveau primaire; puis, quand le milieu est devenu territoire, ce monde déjà organisé est traité selon le mode secondaire psychique, ce qui veut dire que le sujet passe des situations aux objets; enfin, le mode logique (ou formel) apparaît quand les objets sont pris comme cadres ou supports de relations, ce qui suppose qu'ils aient déjà été identifiés au niveau secondaire, selon les catégories perceptivo-motrices de l'action courante. »

Compréhension


Gilbert Simondon tente de penser l’image, leur statut, leur fonction, ainsi que les relations que les hommes entretiennent entre eux et avec les milieux qui les enveloppent.

Trois moments-clés


- le moment pré-individuel : l'individu est un être, doté de capacités motrices qui se mettent à fonctionner dès les premiers instants de la conception, au stade de foetus, alors qu'il n'a pas confronté le monde extérieur.

- le moment individuel : il se compose d’un processus d’individuation (la quête permanente de soi, en apprenant des autres) et d’individualisation (autonomie, hérédité dans les choix de la vie, positionnement dans la société, sphère privée).

- le moment trans-individuel : ce troisième moment ne se limite pas au seul terme de collectif, il évoque la multiplicité des relations établies entre les hommes, et entre les hommes et leurs milieux.

« L'évocation précédente des conditions organiques de l'anticipation de la perception et de l'action montre que, pour l'ensemble de la conduite, les lignes de l'avenir postulé ont autant d'importance que les données du présent ou le retentissement de l'expérience sous forme de souvenir. »

Ici, Gilbert Simondon montre qu'il y a un monde des images qui précède le monde des images liées à la perception des objets. Il y a quelque chose qui est de l’image avant qu’il y ait un individu et un sujet. Il y a quelque chose qui est une activité imageante qui précède toute sensation, toute perception, toute vision. En d'autres termes, il y a de l’image avant que l’on soit en mesure de voir des images. En fait, Gilbert Simondon ne nous décrit pas ce qui se passe dans le cerveau, mais tente de penser l’activité qu’est la production spontanée d'images en nous.

Il apparaît que les conditions d’émergence des images mentales, au stade pré-individuel ne s’effacent pas une fois l’individu sorti du ventre de sa mère et confronté au monde. Au contraire, même cette confrontation avec le monde ne peut avoir lieu que parce qu’il est en quelque sorte préparé, armé pour cette confrontation. Et cette arme, ce sont ces images mentales qui ont permis l’établissement d’une structure d’anticipation qui se révèle être une structure d’attente.

Il faudra rapprocher cette structure d’attente de l’image de ces états d’attente qui se mettent en place dans le moment pré-individuel et qui correspondent aux activités motrices d’un être qui n’a pas encore rencontré le monde et qui pourtant a largement commencé à le rêver et à l’inventer. La prolifération d’images dans le psychisme est donc une persistance de l’activité imageante pré-individuelle et elle continue à s’exercer non seulement comme puissance, comme force, mais aussi comme prolifération incontrôlable comme puissance. Ainsi, on pourrait dire que là où au stade pré-individuel elle est structure d’attente, elle devient porteuse de trouble ou d’angoisse lorsqu’elle continue à s’exercer au moment individuel ou collectif.
La fonction imageante au stade pré-individuel est donc pure anticipation, et agirait dans l'inconscient, pour préparer le sujet à confronter le monde extérieur.

wiki/textes/structure-attente/structure-attente.txt · Dernière modification: 2017/02/01 16:25 (modification externe)